Lorenzo Peña, Fundamentos de ontología dialéctica, Madrid, 1987, Siglo Veintiuno de España Editores, 23 x 16 cm; La coincidencia de los opuestos en Dios, Quito, Ediciones de la Universidad católica, 1981, 21,5x15,5 cm, 570 p.
Nous avons déjà parlé de Lorenzo Peña à propos de son livre El ente y su ser. Un estudio Lógico-metafísico. Or l'oeuvre de ce philosophe est déjà abondante et remarquable. Il insuffle en effet une force nouvelle a un courant qui ne cesse d'irriguer la science philosophique, le néo-platonisme. En fait foi son article sur Nicolas de Cuse Intitulé «Au-delà de la coïncidence des opposés. Remarques sur la théologie copulative chez Nicolas de Cuse», in Revue de Théologie et de Philosophie, 121 (1989), p. 57-78. On y voit prendre forme une dialectique que, plus tard, Hegel reprendra à son propre compte, avec cette particularité que le cusain l'applique spécifiquement à l'Être divin. Toutes les déterminations sont identifiées et confondues dans l'unité divine, ... en Dieu la pluralité est unité, la variété est identité.» Lorenzo Peña parle de supération de la logique aristotélicienne dans la pensée du Cusain.
La coincidencia de los opuestos en Dios est un magnifique traité De Deo d'inspiration scotiste, ce qui est excessivement rare, du moins en France, où Duns Scot est trop peu étudié. Lorenzo Peña soutient la thèse de l'univocité de l'être, contre l'équivocité thomiste, thèse qui est à la base de toute la philosophie moderne, à commencer par Occam... Cependant, Duns Scot n'oublie jamais d'y adjoindre le formaliter qui sauve en quelque manière le réalisme de l'être. Lorenzo Peña s'explique longuement là-dessus, en apportant des arguments très fermes, fort qu'il est de plusieurs siècles de réflexion philosophique. B expose déjà son système axiomatique, appelé ANU, base de sa logique, inspirée des travaux de A. Church.
Quant aux Fundamentos, ils expriment la philosophie de l'auteur, sa recherche personnelle avec un luxe de détails et une capacité de synthèse dignes d'un maître. Il s'agit ici du problème fondamental de l'existence, mieux dit de l'exister. Lorenzo Peña reprend l'argument de l'univocité et propose la solution du nécessitarisme. Nous apprécions particulièrement ses références à Frege, Cantor, Rescher, Russell, Peter Geach entre autres, ainsi que ses analyses des principes ontologiques et des principes logiques. Lorenzo Peña institue ce qu'il appelle la logique contradictorielle, dont il emprunte l'idée précisément a Nicolas de Cuse. Dans les annexes de ce livre et dans des articles de revue sur la logique combinatoire, il trace des chemins nouveaux dans le domaine de la logique mathématique.
Toute cette oeuvre constitue déjà une référence précieuse pour la pensée philosophique, espagnole certes, et internationale également, qui classe Lorenzo Peña parmi les grands philosophes contemporains.
A. Reix.
Revue Philosophique de la France et de I'Étranger, 115/2
(avril-juin 1990)